laroussinie

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Jacques Laroussinie (1945-)
Le 'non-potier' du grès


Céramiste sculpteur à Neuilly Sancerre
jacques laroussinie

Un nomade du grès, fidèle à son four à bois  
Né en 1945 à St-Chéron (Essone), passionné de lecture et de philosophie, Jacques Laroussinie poursuit des études de lettres à Paris. Lors d'un séjour linguistique d’une année à Londres, il découvre la céramique et s’initie à la poterie aux cours du soir (Ecole d’art, Sir John Cass). Puis en 1968, il enseigne  le français en Afrique en tant que coopérant du service militaire.  

De retour en France, Jacques Laroussinie choisit l’Ecole des Beaux-Arts de Bourges pour se former sérieusement au métier de céramiste. De 1969 à 1972, il suit l’enseignement du couple Jean et Jacqueline Lerat. Jacqueline restera pour le jeune homme une ‘mère spirituelle’ guidant son travail du grès. 
En 1967, Jacques rencontre sa future épouse Joëlle Deroubaix (1946-2019) à la faculté de Lettres de Paris. Joëlle sera elle-même étudiante dans l’atelier des Lerat de 1970 à 1973. 
En 1972, le couple s’installe dans la maison familiale du petit village rural de Vieuvicq (Eure et Loir). Jacques y construit son premier four à bois (type Sèvres), copie conforme de celui des Lerat, à Bourges. 
En 1978, le couple se sépare. Le jeune homme déménage en 1980 dans le Perche, aux Autels-Villevillon, avec dans ses valises les briques du four qu’il reconstruira, sur le modèle de celui de Jacqueline et Bernard Courcoul (avec deux chambres). Il l'utilisera jusqu'en 2007. En parallèle de son atelier du Perche, il installe un nouvel atelier à Chartres, qu’il partage avec sa compagne Monique Raymond jusqu’en 1986. 

En 2007, nouveau déménagement, toujours avec son compagnon ‘le four à bois’ : retour aux sources près de la Borne, à Neuilly en Sancerre Jacques y construit un four Phoenix, en activité jusqu'en 2015.

Retour aux sources 
C’est à la lisière de la forêt ‘Les Petits’, aidé par son fils ainé Antoine, que Jacques Laroussinie construit une cabane-atelier écologique, tout en bois, en harmonie avec la nature, sans télévision, ni internet.
La porte d’entrée vitrée s’ouvre sur une pièce étroite faisant office de galerie d’exposition. Adossée à celle-ci, l'atelier de travail avec peu d’outils où Doudou la chatte (sa compagne depuis 17 ans) passe de longues heures à dormir…, un poêle à bois, un salon-cuisine-mezzanine donne sur le cœur la forêt. 
Le vieux poste de radio est bloqué sur la fréquence de France Musique : ‘C’est une radio qui ne parle pas, seulement quelques minutes le matin pour les informations, le reste n'est que musique classique.‘ 
Jacques Laroussinie
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Ici, le rapport au temps est modifié, la sobriété invite à vivre l’instant présent avec douceur et lenteur. Loin de la folle agitation des cités urbaines, la cabane est propice à la lecture, à la rêverie, à la méditation et au travail de la terre ! 
Et Jacques aime vivre dans ce silence. Ce lieu isolé, enchanteur et presque rustique reflète sa personnalité.
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Jacques, qui se définit comme ‘non-potier’, n’aime pas utiliser son tour, vieux de cinquante ans ! Il privilégie le travail à la plaque avec différentes terres, très chamottées, incorporant des jetées de sables ramenés de ses voyages ou offerts par des amis. 

Libérer le grès de l’utilitaire est une nécessité pour Jacques : ‘le bol m’ennuie, j’en produis peu. J’aime le thé, alors je fais des théières et des non-théières aussi.’ 
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Il se concentre sur des architectures minimalistes, qu’il habille d’engobes aux nuances ocre, orange ou brun rouge. Jusqu’en 2015, ses pièces étaient cuites dans son propre four, qui a fini par rendre l’âme, au 'grès des vagabondages’. Depuis, les cuissons se font chez ses voisines céramistes (Claire Linard, Caroline Iltis-Nussbaumer …) et au Centre de Céramique de la Borne.

Entre 2019 et 2023, Jacques accueille et transmet son savoir à des stagiaires étudiantes en écoles d'art et de céramique (Cnifop, Dieulefit, Duperré, Beaux Arts de Bourges, ...).

Le succès du grès   
Si Jacques Laroussinie s’est essayé à d’autres terres comme le raku ou la porcelaine et d’autres matériaux comme le bronze ou le verre, l’homme restera toute sa vie fidèle au grès et à la cuisson au bois.
Dès 1972 , son travail plait au public : ses sculptures en terre sont diffusées par la galerie Sarver (Paris) et la galerie La Main (Bruxelles). Parrainé par Jacques Blin et Robert Deblander en 1972, Jacques est présent au Salon des Ateliers d’Art (aujourd’hui Maison Objet) et ce jusqu’en 1985. Cette exposition biannuelle lui permet de remplir son carnet de commandes : sa production est diversifiée passant des urnes posthumes aux grands reliefs (citons une pièce murale de 180 cm par 80 cm, achetée en 1974 par le Musée Magnelli). 
En 1976, Jacques Laroussinie participe aussi à l'aventure design de la Manufacture de Porcelaine de Virebent
Face aux difficultés de l'entreprise,  son dirigeant Philippe Pare décide dès 1967 pour relancer l'activité de créer une ligne de produits artistiques. Il invite les céramistes de renom comme Yves Mohy, Pierre Lèbe, Claire Debril, Michel Gardelle, François Guéneau, Jacques Buchholtz, Bernard Prigent avec Solange Garotte et Jean Paul van Lith à collaborer à la conception d'un nouveau design. Le succès est au rendez-vous et permet à la manufacture de rayonner en France et à l’International avec les nouvelles collections. Pour ce projet, Jacques Laroussinie a imaginé une théière de forme globulaire avec un petit bec, qui est toujours rééditée aujourd’hui.
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Au fil des années, la notoriété de l’œuvre de Jacques Laroussinie a fait son chemin, et l’homme n’a plus besoin à de quitter les bois pour présenter son travail : les amateurs, collectionneurs et galeristes se rendent à son atelier et ses pièces sont exposées au Centre la céramique de la Borne.  

De l’autre côté du miroir 
Les pièces architecturées de Jacques Laroussinie sont le reflet du parcours de sa vie et des histoires de son jardin intime. De ses voyages, il rapporte avec poésie et respect quelques principes et valeurs empruntées aux contrées lointaines: 
  • le lien du travail des mains avec les éléments universels : la terre, l’eau, l’air et le feu en Afrique (1968)
  • la construction des cabanes au Canada en respect avec la nature , ‘Québec, je me souviens’ (visite en 1976, avec Claude Champy, Michel Ruffe, Agathe Larpent-Ruffe et d'autres).
  • la simplicité et l’état d’esprit du bonheur selon la méditation orientale. (Visite Thaïlande, Laos en 2005) 
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Mais si rien ne dure et rien ne persiste, quel message les ‘toits’ symbolisent-ils dans l’œuvre de Jacques Laroussinie ? Car l’homme se positionne en bâtisseur d’objet : ses pièces évoquant des habitats terrestres (cabane, chapelle, temple, …) ou marins (bateau-maison boomerang) sont des lieux temporaires, tels des passages interstellaires, pour s’abriter, se pauser et voyager vers l'au-delà. 

Ces objets seraient-ils des totems bienveillants, des remparts ‘gris-gris’, genre garde-fou des civilisations méga-industrielles et hyper-urbanisées ?
jacques laroussinie
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jacques laroussinie
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Avec des fenêtres ouvertes sur tous les horizons, chaque édifice équilibriste presque bancal s’élève vers le ciel, tel une tour de Babel miniature gardant jalousement en son cœur, le secret d’un paradis humain. 

Ici, le feu, foudre divine, lèche les parois imparfaites pour sublimer la terre, nourricière de vie et d’esprit.
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N’en doutez pas, si Jacques garde une patte de lapin dans sa poche lors des cuissons au bois, il connait les caprices du feu et sait depuis le temps dialoguer avec le fougueux, quitte à renégocier une nouvelle fournée.
jacques laroussinie
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Et, tels des livres ouverts, ses vases aux failles éventrées pourraient aussi bien évoquer la grandeur des rocs que la fragilité de l'âme humaine.  
jacques laroussinie
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Le grand Jacques au cœur joyeux  
Si Jacques Laroussinie aime le calme et la tranquillité de la nature, l’homme des bois aux mains d’argile a le sens de l’hospitalité. Il sait recevoir ses amis (Mélanie MinguèsLucien Petit, David Whitehead …) et le visiteur. Avec humilité et sincérité, il parle des voyages qui ont influencé son parcours artistique, des sables rapportés, de la terre, de son four itinérant ... 
Le sourire aux lèvres, il signe parfois ses pièces en jouant des anagrammes de son nom. Sensible à la poésie et la philosophie, il aime sortir de sa tanière pour monter sur les planches (en 2008, il joue  Dragomir dans ’Un hiver sous la table’ de R.Topor) ou pour mettre le costume d’un clown entre deux chants grégoriens. 
Mais l’art qu’il préfère, c’est la musique, fidèle compagne de son quotidien pendant qu'il sculpte la terre, avec une prédilection pour le jazz, synonyme de liberté !
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Je remercie Jacques Laroussinie pour son sympathique accueil, pour nos échanges et le partage des photographies. 

Texte © Christine Lavenu 14/01/2025, photographies © Christine Lavenu 
Conformément à l’article L122-5 du Code de propriété intellectuelle, la personne qui reproduit, copie ou publie le contenu protégé doit citer l’auteur et sa source.

Sources, pour voir et en savoir plus : 
Entretien avec Jacques Laroussinie, Neuilly-en-Sancerre, 13 aout 2024
Jacques Laroussinie, céramiste à la Borne, Architecture et vide, Catalogue exposition, galerie Prisme, oct-nov, 2019
Revue de la céramique et du verre, n°229, 164, 117, 113, 105, 95, 45
Association des potiers de la Borne, La Borne, un village de potiers, juin1987

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