derel juliette


Juliette Derel (1918-2007)


Céramiste française emblématique des années 50 à Vallauris, France.
Née en 1918  (Gisors) en Normandie, Juliette Derel suit un enseignement artistique polyvalent (peinture, dessin, ..) à l'école des Beaux Arts de Tours. Ses peintures et dessins sont exposés dès 1938 au Salon des Artistes de Tour.
 
En 1941, elle travaille dans un atelier de poterie tourangeau. Elle décide en 1949 (mai 1950 selon les sources) l’aventure céramique à Vallauris.
Elle s'installe chemin du Fournas, proche des ateliers le Tryptique, le Grand Chêne, la poterie Daniel, celle de Rubino. Ses pièces sont créées chez elle et sont cuites dans le four de ses voisins potiers. 

Les débuts à Vallauris 

Jusqu'en 1952, elle travaille l'hiver à la Poterie du Grand Chêne, renforçant l'équipe pour  répondre  à l'afflux des commandes des grands magasins, et l'été à l'atelier Tapis Vert du couple Batigne en tant que secrétaire et organisatrice d'expositions, dont le Nérolium.

Puis Juliette crée son propre atelier, 18 avenue de Cannes (avec un four à bois, puis électrique) et signe ses pièces Juliette Derel. Elle utilise la terre rouge de Vallauris et très rarement la terre blanche pour produire des pièces uniques. Détestant la copie, elle ne fera jamais de moulage. Dans ses débuts, elle produit une céramique culinaire (assiettes, pichets, tasses, coupes ...) avec des décors graphiques aux teintes douces.

En parallèle de cette production utilitaire tournée en faïence émaillée, Juliette libère la forme et développe des pièces artistiques montées au colombin, avec des cols cheminées, typique du style des années 50 présents chez d'autres céramistes modernes, comme Jacques Blin ou Klaus Schultze. C'est aussi l'époque des formes zoomorphes et anthropomorphes, avec un décor incisé labyrinthique ou géométrique.

Adapte du modelage et du colombin, Juliette Derel utilise une terre chamottée pour ses pièces sculptées. De la vaisselle aux pièces artistiques, elle a aussi crée du petit mobilier comme des miroirs, des tabourets, des tables basses, des luminaires et des éviers. 

Un couple, une style commun 1953-1961 

Durant ses études artistiques, Juliette Derel se lie d'amitié avec la jeune étudiante Noëlle Rivier, dont le frère Jean Rivier est créateur de bijoux.  Elle rencontre Jean dans les années 40 (dès 1939 selon les sources) et le retrouve en 1952 lorsque ce dernier, qui est revenue des Antilles, décide de s'installer à Vallauris. 
En 1953, Juliette et Jean se marie. 

La production est dans la continuité du travail de Juliette. Si au début, le style est commun avec un décor abstrait géométrique, au fil du temps, chacun développe son propre langage visuel, toujours dans le registre de l'abstraction graphique, proche de l'esprit surréaliste du peintre Joan Miro.

Parmi les pièces produites, citons de l'utilitaire (pichets, bols, vase, cendrier, assiettes …) et des céramiques décoratives des bijoux (pendentifs ...), des tables, des miroirs, des portes manteaux (pièces en céramiques cubiques fixés sur des tubes métalliques)…Juliette libère la forme des pieds de lampes, les luminaires deviennent des sculptures dissymétriques intégrant de tiges métalliques. Puis, elle sculpte par modelage des séries 'cathédrales', et des 'pierres.'

Le succès est au rendez-vous, ce qui permet l'ouverture d'un magasin au 37 rue Georges Clémenceau. Les commandes pour les magasins et galeries d'expositions, en France et à l'étranger (USA, Canada, Suisse, Angleterre, Belgique, Tunisie …) sont nombreuses. Et les expositions se succèdent.

Dès 1957, la tension s'installe dans le couple qui divorcera en 1959. (Jean était élève stagiaire chez Juliette pendant 3 ans afin d'obtenir son statut d'artisan céramiste, le succès de leur production commune est une des origines des tensions dans le couple). 

Le style Derel 

Au fil du temps, le décor abstrait s'estompe, les pièces deviennent mono ou bichromes, les lampes ajourées et les jardinières fleurissent.
Juliette Derel aime jouer sur les contrastes esthétiques conjuguant les lignes souples et la rugosité de la terre. Ses couleurs sont chaudes et ensoleillées passant de l'orange au jaune vif, au rouge éclatant jusqu'au rose. L'orange rouge emblématique de Derel est comme le bleu de Théodore Deck, il est la signature de la céramiste, même si l'artiste aime aussi plonger dans les verts d'eau et les jaunes vifs ou pâles.
La pièce est parfois scarifiée de décor asymétrique, géométrique et abstrait, accentuant ainsi la modernité de la forme et du volume. 

Dès 1962, pour fuir le Vallauris devenu trop kitsch, 'copieur' et pollué d'intrigues et de jalousies,  elle s’installe temporairement ( définitivement en 1964) à Saint Paul de Vence village authentique d'artisans traditionnels, puis en 1987 à Gréolières pour poursuivre ses travaux de recherche. 
Juliette Derel décède en 2007.

Une œuvre de caractère 

Considérée par ses proches de femme rebelle, généreuse et engagée (gauchiste, en rupture avec sa famille plutôt bourgeoise) , si Juliette Derel "donne forme à son désir", son œuvre est à l'image sa forte originalité et sa grande fantaisie. 

Une œuvre diversifiée de céramique, mais aussi de peintures, de collages, de tapisseries et patchworks (citons celui crée avec le peintre Joan Miro). 

L’artiste a exposé en France et à l’étranger (Canada, Vénézula, Prague ...).

Juliette Derel décède le 24 juillet 2007 dans un accident de la route. 

Le comité Juliette Derel propose des expertises et des certifications, car de nombreuses contrefaçons et de fausses œuvres de Juliette Derel apparaissent sur le marché et en salle de vente, principalement les miroirs. Des exemples de contrefaçons sont détaillées dans leur site.


© Texte Christine Lavenu  (publié le 19/10/2023, maj le 06/11/2024)

Sources, pour voir et en savoir plus  : 
François Lippmann, Marie-Pascale Suhard, Juliette Derel, céramiques, Editeur Snoeck Publishers, 2023
Staudenmeyer Pierre - La céramique française des années 50, Editions Norma, 2004. 
Come Rémy, Bartoletti Laurence, De Bruignac-La-Hougue, Forest Dominique, Gros Anne, Lacquemant Karine - Création en France, Arts Décoratifs 1945-1965, Gourcuff Gradenigo, 2009.

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