‘J’ai choisi la terre pour sa sensualité extrême, pour sa variété, pour la difficulté titillante de l’émaillage. … En fait parce qu’elle représente un monde philosophique inépuisable, le problème étant de tisser les liens le plus étroit possible entre la volonté de l’esprit et les possibilités de la matière. Cette espèce de complicité s’arrête à l’instant où s’ouvre mon four, car, à ce moment, l’objet me devient extérieur, il prend sa vie propre, il cristallise un moment du passé.’
Entièrement autodidacte, il s’installe en Indre et Loire pour travailler exclusivement la faïence qu’il tourne et modèle. Il fabrique ses propres émaux (stannifère, calcique) et des cendres.
L’anecdote suivante démontre la liberté et l’indépendance de Yves Suzanne, qui a choisi de vivre les mains dans la Terre. Elle vise aussi à dénoncer la difficulté en France d’exercer le métier de céramiste en tant qu’artiste. C’est une histoire culturelle à notre pays, figée comme sclérosée dans la définition de statut juridique entre l’artiste et l’artisan.
Yves Suzanne entamera des longues démarches juridiques (succession de procès) pour faire reconnaitre son statut d’artiste contre le régime de la caisse primaire de sécurité sociale des artistes, qui en 1979 lui refuse l’affiliation. Son frère Michel Suzanne, avocat à la Cou r, plaidera sa cause.
En 1981, le principe selon lequel ‘l’exemplaire unique d’ouvrage en céramique fait à la main est considéré comme œuvre d’art originale’ est remis en cause par la Caisse Primaire d’assurance Maladie considérant que l’activité relève du domaine de l’artisanat. En 1982, le nouveau procès annule l’arrêté de la Cours de Cassation, ce qui permet à Yves Suzanne de bénéficier du régime général de la Sécurité Sociale (celui des artsites). Mais, l’histoire ne s’arrête pas là : en 1983, l’administration redemande l’annulation du statut d’artiste, ce qui sera par la suite refusée par la Cour d’Appel de Bourges.