Né en 1973 à Mont-de-Marsan, Sébastien Barrère passe une enfance solitaire au milieu des pins des Landes. Dans ce territoire vulnérable aux forces de la nature, la beauté sauvage des Landes invite le jeune homme à la rêverie.
En parallèle d’un environnement qu’il doit peupler lui-même (des sous-bois et des champs labyrinthiques de maïs), son imagination s'enrichit de séries télévisées et de la culture pop du XXe siècle. Naturellement, après un baccalauréat en Lettres et Arts, il étudie les Arts Plastiques à la faculté de Toulouse de 1995 à 2000.
Après avoir exploré la toile pendant plus de quinze ans en tant que graphiste, Sébastien décide de quitter son écran chronophage pour se reconnecter à la matière. Au cours d’un stage dans les métiers d’art, il découvre le travail des matériaux : le fer, le bois, le textile et la terre.
« Parmi toutes les matières, celle que j’ai préférée c’est la terre : les formes, les couleurs …C’est sans fin ! »
Retour aux sources
« Je voulais retourner à une matière noble, à l’un des premiers métiers du monde : potier. »
En 2016, il se forme à la céramique à l’Institut Imara, puis dans divers ateliers auprès de Jacques Czeviek, Natacha Brosset et Rémi Deboutiere. L’année suivante, il effectue un stage en coulage porcelaine chez Ismaël Carré.
Parallèlement il tombe fou amoureux des animés Japonais.
À Giroussens, célèbre village pour sa production de terres cuites peintes dès le XVIe siècle, il a un coup de cœur pour un ancien couvent. Acquis en 2018, il fonde les Ateliers du Couvent, un lieu de création artistique et d’exposition qu’il partage avec les artistes Chloé Courbet
et Doriane Judith. En 2022, il rencontre Jean-François Delhorme
qui l’initie à la pâte de verre.
Sébastien Barrère imagine des sculptures en terre et des pièces utilitaires (des bols et des vases), avec un vocabulaire esthétique imprégné de pop-culture et de naturalisme.
Du point de vue technique, il explore le tournage, le modelage, le coulage et l’estampage et crée ses propres émaux.
Le Pop barbierophobe
Le céramiste plasticien se situe dans un courant qu’il qualifie ‘pop-dream-matiériste’.
Reflet de l’évolution de la société, son œuvre fantasmagorique témoigne de l’omniprésence de la pop culture dans notre quotidien.
Issues de sa propre mythologie, ses créatures insolites fortement poilues font écho aux dessins animés (Pokémon, mangas, etc) et aux jeux vidéo des années 80 à aujourd'hui.
Il est sans concession sur ses choix plastiques : l’important est au-delà de la séduction, ce qui compte c’est la rencontre avec l’étrangeté : aussi bien dans la forme, dans les sujets que dans la matière.
Courts sur pattes, (re)couverts d’une chevelure longue, ses êtres hydrides portent de drôle nom comme Banana Ghost (clin d’œil à Pac-Man), Piou (clin d’œil à Pikachu), Perruque rampante (clin d’œil à Princesse Mononoké), l’Autre Poilu (référence à Pollux), la Visiteuse, le Veilleur, Créature majeure du Printemps, Blue as a question, Queen anemon….
Ainsi se forme une famille de bestioles sympathiques identifiables par leur vêtement capillarisé, qui pourrait être habitée par la peur bleue de rencontrer les ciseaux psychopathes d’un coiffeur !
Chaque icone de l’artiste reflète son respect pour la nature, ses valeurs, ses rêves et ses préoccupations dans la société actuelle. Sébastien explique : « mes créatures, parfois empreintes de symbolisme, peuvent représenter des aspects de la psyché humaine, des peurs, des espoirs ou même des comportements sociaux ».
De leurs voies inaudibles, elles murmurent au creux de l’oreille des curieuses histoires. Le message est porté par la couleur, qui exprime la tonalité du sentiment. Blanc presque immaculé, Le Veilleur jette son œil noir sur la finitude de la vie et la fragilité de l’imaginaire.
L’Autre Poilu, ‘le Gris’, symbolise l’altérité et interroge nos représentations.
Quant au joyeux Piou, coloré de coups de foudre, porterait-il aussi en lui la splendeur flamboyante des derniers rayons d’un coucher de soleil sur les cordons dunaires des Landes ? Piou, serait-ce un gage d’espoir de meilleurs lendemains ?
Sans yeux, ces être imaginaires scrutent pourtant le spectateur, l’invitant à détourner le regard ou au contraire à entrer dans son jardin intime. Mais le visiteur, saura—t-il décrypter le message facial de l’étranger aux orbites noires ? Quelle sera sa capacité à aborder l’irréel et à embrasser l’inconnu ?
A pas de loup, à fleur de peau
L’influence de la Nature est prédominante dans l’œuvre de Barrère.
En parallèle des sculptures pop, Sébastien revisite l’art traditionnel en travaillant l’utilitaire (bol et vase) comme un jeu exploratoire de textures et d’émaux : bol mollusque à peau de limace tigrée, bol organique à enveloppe de lichen marin, vase 'Tumulte' évocateur de l’oscillation des marées et du roulement des vagues.
Avec de l’humour, de la modernité, Sébastien Barrère a su réunir et concilier dans son travail céramique, deux thématiques qui semblaient s’opposer : d’un côté la culture pop diffusée par les technologies numériques qui nourrissent l’esprit d’images futuristes et d’innovations nippones, et d’un autre une nature presque sauvage, primitive et libre.
Membre actif de l’association Terre et Terres des Ateliers d’art de France, Sébastien Barrère propose des cours de modelage, de tournage et de travail à la plaque. Les Ateliers du couvent
disposent deux chambres d’hôtes pour accueillir les voyageurs.
Je remercie Sébastien Barrère pour son sympathique accueil et pour le partage des photographies.
Conformément à l’article L122-5 du Code de propriété intellectuelle, la personne qui reproduit, copie ou publie le contenu protégé doit citer l’auteur et sa source.
Sources, pour voir et en savoir plus :
Entretien avec Sébastien Barrère au jardin de Malrigou, juin 2024
Conformément à l’article L122-5 du Code de propriété intellectuelle, la personne qui reproduit, copie ou publie le contenu protégé doit citer l’auteur et sa source.