Le musée La Piscine
à Roubaix a présenté jusqu'au 23 mai 2023 la première exposition personnelle de Marc Alberghina, intitulée Chronos.
Père de Zeus, roi des dieux, Chronos est le maitre du temps et du cycle des saisons. C'est Celui qui ne meure pas.
La mise en scène de plusieurs allégories au temps est sublime. Et pour cause, l'artiste a conçu des œuvres inédites s'intégrant subtilement à l'architecture et l'esprit du musée.
Flottant dans le bassin central, la femme-tronc bourgeonnant de cigales précaires est entourée par des crapauds mangeur d'insectes.
Rendant hommage à la technique trompe l'œil du faux bois utilisée par l'atelier vallaurien de Grandjean-Jourdan dans les années 60-70, l'œuvre décorée en veine de bois alerte sur l'urgence environnementale.
Au nom de Chronos
Avec Chronos, Marc Alberghina traite de l’éternelle question du temps et de sa relation avec la mort et le sacré. Sujet de préoccupation récurrent et universel, qu’il soit cyclique ou linéaire, le Temps
ne tolère pas de revenir en arrière. Il avance. Il avance. Il avance ....
C’est ainsi que l’exposition permet au simple mortel d'avancer dans les couloirs de la Piscine jusqu'à l'autel du Maître du Temps.
Sur le chemin, des gerbes de fleurs réalisées avec des montres pyrométriques (batônnets pyramidaux en faïence pour contrôler la température et de la durée de la cuisson dans le four).
Au fil des pas, au cœur des offrandes végétales, la jeunesse s’étiole.
A la lumière du feu, tout à tour, chaque pétale de montre tire sa révérence. Dégoulinant d’une vie trop vite consumée, le c(h)œur froid pourrait chantonner sur un air baudelairien, ‘O douleur, le temps mange la vie.’
Le caractère éphémère de la beauté et la fragilité de toute existence se fondent de déliquescence.
La sanctuaire de la Vanité
Pilier de l'autel, Chronos
personnifié dans la colonne du lavabo, crache ses aiguilles pyrométriques.
Serait-ce la représentation de Saint Claude, Patron des potiers à Vallauris, exposé tel un martyr régurgitant des reliques en mal de cuisson ?
Est-ce la main divine qui interroge celle de l'homme sur sa potentielle capacité à 'pétrir de la boue pour en faire de l'or'
?
Si les Montres Molles de Salvatore Dali rappellent l’écoulement du temps, celles de Marc baignant dans la cuvette semblent vierges de tout passage, comme si elles venaient de recevoir le sacrement de la naissance.
Sur le columbarium, dans l'obscurité, des vases urnes évoquent la mémoire des artisans de Vallauris.
Dans ce lieu solennel, la faute originelle n’a plus sa place, les hommes sont tous égaux et mortels devant Chronos.
Avons-nous le Temps ?
La sculpture énigmatique Chronos est un délicieux millefeuille de références et de symboles du mal universel qui ensorcèle les esprits de toute matière qu'elle soit scientifique, philosophique, économiste ou juste humaine : le Temps !
Fidèle à l'imagerie de la Vanité des peintres du XVIIe siècle, Marcdépeint avec une dérision provocatrice le tragique de la condition humaine et avec modernité les questions existentielles et écologiques.
Mais, léger tel une bulle de savon devant l'autel de l'inévitable, quel sera le regard du visiteur ? Sera-t-il se révolter face à la finitude et à la menace écologique ?
Saura-t-il concilier l'urgence de vivre et de protéger son environnement ou profitera-t-il insouciant de l'instant présent pour 'cueillir dès aujourd'hui les roses de la vie' ?
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